Tourisme politique ou mission d’État ?
Le Sénégal innove encore. À croire que nous sommes voués à donner au monde entier des « premières » en matière de gouvernance. Après les délégations pléthoriques envoyées aux frais du contribuable pour inaugurer la moindre dalle de béton, voici l’exportation officielle du meeting politique.
Eh oui ! Notre Premier ministre, garant de la politique nationale, chef de l’action gouvernementale, a trouvé une mission hautement stratégique : traverser les frontières pour rencontrer non pas ses homologues étrangers, non pas des investisseurs, non pas des partenaires techniques, mais tenez-vous bien : ses militants et électeurs !
Question simple : dans l’histoire du Sénégal, cela s’est-il déjà vu ? Dans l’histoire du monde même ? À quand un Conseil des ministres à Bruxelles avec distribution de tee-shirts et cris de ralliement ?
D’ordinaire, ce genre de voyage relève de parlementaires en mal de visibilité, qui tentent au moins de justifier leur déplacement par une « invitation officielle » de leurs homologues. Ici, on a franchi une étape : le peuple sénégalais paie l’avion, l’hôtel et la sécurité pour que son Premier ministre tienne un meeting de section à l’étranger.
Peut-être faudrait-il breveter ce concept : « diplomatie militante ». Un modèle unique où l’État confond l’intérêt général avec la tournée électorale d’un parti. Demain, qui sait, on enverra des ambassades entières pour coller des affiches.
Mais rassurez-vous, tout cela n’est pas du gaspillage. C’est de l’« innovation politique ». Après tout, il faut bien occuper les contribuables sénégalais : payer leurs impôts sert désormais à financer le tourisme électoral.
Ibrahima Thiam, président du parti ACT